Ça nous titillait depuis un bon moment : nous essayer quelques jours au backcountry dans le parc de Denali. Ce que les Américains appellent backcountry, et les Canadiens arrière-pays, c’est la randonnée dans un grand espace où aucun sentier n’a été balisé. La nature toute simple, quoi. À chacun d’y tracer sa route à l’aide d’une carte topo et en observant le paysage autour de soi.
Avant toute chose, nous nous sommes rendus au Backcountry Information Center afin de demander un permis pour s’enfoncer trois jours et dormir deux nuits dans le parc. Il a fallu alors choisir nos « units » ; le parc est découpé en zones ou « units » plus ou moins grandes où, chaque jour, ne sont admises que quelques personnes. Le meilleur moyen de garder l’endroit sauvage et, pour les randonneurs, de se sentir into the wild. Après en avoir discuté avec un ranger, nous optons pour les unités 29 et 30, pas mal fréquentées par les ours, beaucoup moins par les humains, puisque quatre personnes seulement ont droit d’y camper en même temps.
Nous avons dû ensuite assister au visionnage obligatoire d’un film de 30 min sur la façon de monter son camp (un triangle de 100 m de côté avec, aux pointes, la tente, la cuisine et le stockage de la nourriture), de traverser une rivière, de se comporter en cas de rencontre avec un ours… Le film prévient aussi : dans la toundra en été, avec la fonte du pergélisol, on aura de toute façon les pieds mouillés à un moment ou à un autre, à moins de faire des kilomètres de détour. Et attention à l’hypothermie, il peut neiger même en juillet dans le parc (alors fin août…). À côté de nous, deux gars dont c’est la cinquième escapade dans le parc somnolent, ils connaissent le film par cœur et jouent les coureurs de bois blasés. Nous, on apprend plein de choses. Nous repartons du centre avec une carte topo de la zone… et une énorme boîte noire, un container résistant aux ours, où on va devoir enfermer la nourriture pour trois jours et tout ce qui sent fort et pourrait attirer les animaux (le dentifrice, par exemple).
Un bus vert nous dépose le lendemain de bon matin à Tattler Creek, point d’entrée dans notre « unit ». Pendant trois jours, nous allons marcher, observer quelques ours, et beaucoup plus fréquemment des crottes d’ours (facile à reconnaître : ce sont des galettes noires constellées de tâches rougeâtres laissées par les baies ingurgitées), marcher dans la toundra sèche et humide, suivre le flanc et la crête des montagnes, nous frayer un chemin au milieu des buissons et petits saules, en répétant comme une rengaine « Coucou les ours », histoire de ne pas surprendre un ours, passer une même rivière de nombreuses fois, peu profonde, mais bordée de mousse spongieuse. De quoi avoir les pieds mouillés trois jours durant, on nous avait prévenus. Mais peu importe quand on a des myrtilles à profusion à déguster et les montagnes à 360° pour nous seuls.
Ah oui, il a beaucoup plu aussi ces trois jours-là. Mais il doit y avoir un dieu pour les campeurs, car nous avons monté chaque fois la tente sous un ciel noir mais sec. Une bénédiction quand on dort dans un sac de couchage en plumes ! Et puis, nous ne sommes pas de grands spécialistes dans la lecture de carte topo, et la zone qu’on avait choisie était, selon les infos du parc, « un espace à la topographie complexe, comportant plusieurs systèmes de crêtes… » Mais nous avons croisé sur notre chemin des « social trails » (sentiers sociaux), c’est-à-dire des sentiers à peine dessinés dans la nature par le passage d’autres randonneurs. Quand on débute dans le backcountry, ça a quelque chose de rassurant, on se dit qu’on a fait un choix intelligent d’itinéraire. Certains de ces semblants de sentiers qu’on a suivi étaient plutôt des routes tracées les ours, au milieu des buissons de myrtilles. Après tout, ils sont sans doute les plus à même de nous montrer la route.
A gauche, le « pepper spray », autrement dit la bombe lacrymogène anti-ours en cas de « contact proche » comme disent les rangers ; à droite, le container « bear-proof ».
Même sous un ciel gris, c’est beau, non ?
Et au milieu de la toundra, un beau grizzly fort occupé à dévorer des baies
Ça fait flipper quand même 🙂
Yoann, en 90 ans, il n’y a eu qu’un mort à cause des ours. C’était l’année dernière et il semble que le randonneur (sa caméra en témoigne) soit resté trop près, trop longtemps… La plupart du temps, crier et lever les bras suffit à les faire fuir. Bref, pas de quoi flipper 😉
ok 🙂
Expérience passionnante en harmonie avec votre voyage !