« Vous êtes français ? J’adore la France. C’est un pays qui a une histoire. Nous, on n’en a pas. » Voilà ce que nous disent parfois les Canadiens de Colombie-Britannique quand ils apprennent d’où on vient. Enfin, les Canadiens d’origine européenne. Parce que les peuples des Premières Nations (c’est ainsi qu’on appelle ici les Amérindiens), eux, ont des millénaires de belles histoires à raconter.
L’histoire « européenne » de la Colombie-Britannique, donc, ne commence effectivement qu’à la fin du XVIIIe siècle, quand les premiers Européens débarquent du côté de Vancouver. À peine plus de deux siècles. Ce qui explique que leurs « lieux historiques nationaux », transformés en musée, soient en fait si jeunes. Comme la North Pacific Cannery que nous avons visitée à Port Edward. Cette conserverie de saumon faisait partie des nombreuses usines de ce type le long de la côté Pacifique jusqu’au milieu du XXe siècle. De vrais villages se créaient alors autour de ces entreprises.
En déambulant entre les vieux bâtiments sur pilotis, en parcourant les ateliers et en découvrant les machines de la chaîne de production, en visitant les habitations, les anciens bureaux, on comprend très vite que l’endroit avait ses codes et ses classes sociales. Les Chinois, tout en bas de l’échelle, étaient assignés aux tâches les plus pénibles. Ils avaient quitté leur famille restée au pays qu’ils pensaient pouvoir faire venir un jour (ce que ne leur permettait bien souvent pas leur salaire). Les femmes amérindiennes mettaient le saumon en boîte. Elles vivaient sur place avec maris et enfants. Les Japonais, mieux payés et considérés, se comptaient nombreux dans les rangs des pêcheurs. Quant aux Européens, ils constituaient bien évidemment la direction, l’encadrement et les employés de bureau…